GENÈVE (4 mars 2021) - La Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits humains, Michelle Bachelet, a souligné jeudi le besoin urgent d'une évaluation objective et indépendante des faits sur le terrain dans la région du Tigré en Éthiopie, étant donné les rapports persistants de violations graves des droits humains et d'abus qu'elle continue de recevoir.

« Des rapports profondément affligeants de violences sexuelles et genrées, d'exécutions extrajudiciaires, de destruction et de pillage généralisés de biens publics et privés par toutes les parties continuent de nous parvenir, ainsi que des rapports sur la poursuite des combats dans le centre du Tigré en particulier », a déclaré Mme Bachelet. « Des informations crédibles continuent également d'émerger sur de graves violations du droit international des droits humains et du droit humanitaire par toutes les parties au conflit dans le Tigré en novembre dernier. »
« Si des enquêtes rapides, impartiales et transparentes ne sont pas menées et si les responsables ne sont pas tenus de rendre des comptes, je crains que des violations continuent d'être commises en toute impunité et que la situation reste volatile pendant longtemps. »
Le Bureau des droits humains des Nations unies a reçu des informations sur les combats en cours dans toute la région, en particulier dans le centre de la région du Tigré, ainsi que sur des incidents de pillage par divers acteurs armés. Des sources fiables ont partagé des informations sur le meurtre de huit manifestants par les forces de sécurité entre le 9 et le 10 février à Adigrat, Mekelle, Shire et Wukro. Plus de 136 cas de viols ont également été signalés dans les hôpitaux de Mekelle, Ayder, Adigrat et Wukro, dans l'est de la région du Tigré, entre décembre et janvier, et il semblerait que de nombreux autres cas ne soient pas signalés. Le gouvernement a déclaré que des enquêtes étaient en cours sur ces cas de violence sexuelle.
Le Bureau a également réussi à corroborer des informations sur certains des incidents survenus en novembre de l'année dernière, indiquant des bombardements aveugles dans les villes de Mekelle, Humera et Adigrat dans la région du Tigré, et des rapports sur de graves violations des droits humains et des abus, dont des massacres à Axum et à Dengelat dans le centre du Tigré par les forces armées érythréennes.
Une analyse préliminaire des informations reçues indique que de graves violations du droit international, pouvant s'apparenter à des crimes de guerre et à des crimes contre l'humanité, pourraient avoir été commises par de multiples acteurs du conflit, notamment les Forces de défense nationale éthiopiennes, le Front de libération du peuple du Tigré, les Forces armées érythréennes, les Forces régionales Amhara et les milices affiliées.
« Compte tenu de la multiplicité des acteurs du conflit, des démentis globaux et des accusations, une évaluation objective et indépendante de ces rapports s'impose. Les victimes et les survivants de ces violations ne doivent pas être privés de leur droit à la vérité et à la justice. Nous demandons instamment au gouvernement éthiopien d'accorder à mon bureau et à d'autres observateurs indépendants l'accès à la région du Tigré, afin d'établir les faits et de contribuer à l'établissement des responsabilités, quelle que soit l'affiliation des auteurs des violations », a déclaré Mme Bachelet.
Mme Bachelet s'est également déclarée préoccupée par la détention, cette semaine au Tigré, de journalistes et de traducteurs travaillant pour des médias locaux et internationaux. Si les journalistes ont maintenant été libérés, un responsable gouvernemental a fait des remarques inquiétantes selon lesquelles des comptes seraient demandés aux personnes responsables de « tromper les médias internationaux ».
« Les victimes et les témoins de violations des droits humains et d'abus ne doivent pas être empêchés de partager leur témoignage par crainte de représailles », a déclaré la Haute Commissaire.
Mme Bachelet a salué les récentes déclarations du gouvernement sur la reddition de comptes et les mesures prises concernant l'accès des acteurs humanitaires. Elle a exhorté les autorités à veiller à ce que ces engagements se traduisent dans la réalité, et a souligné que le Bureau des droits de l'homme des Nations unies était prêt à soutenir les efforts visant à faire progresser les droits humains, notamment les efforts de la Commission éthiopienne des droits humains visant à garantir la reddition de comptes.
